
- Essai
- 18 € | 144 pages
- parution le 17 avril 2025
- ISBN 978-2-4876-0041-6
La philosophie, une affaire de grands barbus en toges romaines ou d’universitaires en costume de tweed ? Et si au contraire les philosophes étaient partout autour de nous… Dans cet essai drôle et plein d’esprit, Léa Waterhouse raconte l’histoire d’une invisibilisation, celle des femmes philosophes et, avec elle, d’une cohorte de penseurs issus de minorités. Au fil d’exemples bien sentis, elle dévoile ce que cache cette mise à l’écart systématique et l’affirme haut et fort : l’absence de réflexion inclusive mène la philo dans l’ornière. À une époque où la complexité du monde requiert d’exercer au maximum nos capacités de réflexion, n’aurions-nous pas intérêt à nous réapproprier tout le pouvoir de la pensée, à ouvrir les yeux sur la diversité et de ses valeurs, à appréhender, en philosophe, notre quotidien.
Philosophesses est un texte frais, vif, militant qui nous incite à réfléchir plus grand.
Léa Waterhouse a créé il y a un an un podcast exclusivement dédié aux femmes philosophes : Philomène la danse et explore les archives philosophiques en Europe, en Amérique du Nord, en Asie et en Afrique, à la recherche de documentation sur les grandes penseuses historiques. Elle vit à Marseille.Saviez-vous que le féminin
de philosophe se dit
« philosophesse » ?
Nous parlons volontiers de maîtresse, de prophétesse, de prêtresse ou de poétesse, mais il est rare d’entendre le terme philosophesse. Éliane Viennot, historienne, note avec ironie que si ce terme dérange, c’est à l’évidence en raison du son « fesse » que l’on y entend. Les traces historiques de ce terme remontraient au Moyen Âge : « Et si estoit philosofesse » dans Le fèvre, en 1380, mais cette tentative de féminisation n’a pas été retenue par l’usage actuel pour des raisons esthétiques. Vous rendez-vous compte ? Dans l’imaginaire collectif, même le féminin du philosophe est réduit à une connotation corporelle sexuée : ses fesses. D’ailleurs on ne saurait dire si les raisons sont uniquement esthétiques, tant il a été répété qu’il ne convient pas à une femme de philosopher tout court. Les femmes ont historiquement été mises de côté dans le domaine de l’art, de la politique, de l’éducation, et la discipline philosophique n’aura pas échappé à l’exception. En 2003, une seule femme fait son entrée au programme du bac de philo : Hannah Arendt. Une seule, comme si cet exemple unique constituait une « exception à la règle ». Pourtant, en creusant les méandres de l’histoire de la philosophie, on découvre que les femmes ne se sont pas privées de philosopher ; c’est plutôt la philosophie qui s’est privée des femmes. Ce triste constat a forcément des conséquences graves pour la discipline : appauvrissement du contenu philosophique et entretien du mythe de la virilité. Et si ça ne suffisait pas, la philosophie occidentale s’est également privée de la pensée des groupes minoritaires, des personnes de couleurs, et des influences au-delà des frontières européennes. Si vous n’êtes pas encore convaincu.e.s de la gravité de la situation, faisons l’expérience… Pourriez-vous nommer un seul philosophe noir ? Saviez-vous que la phrase la plus célèbre de la philosophie, « je pense, donc je suis », a été écrite par une femme bien avant Descartes ? Connaissez-vous des penseurs handicapés célèbres ? Saviez-vous que le yoga est une discipline philosophique indienne, et non un sport à la mode ? On est d’accord.
Vous voilà embarqués pour un long voyage de déconstruction des mythes.La philosophie, telle qu’on la connaît, est un art fondamental : celui de se poser des questions pour mieux comprendre le monde dans lequel on vit. Nous la percevons comme une discipline mystérieuse et complexe, mais nous philosophons au quotidien sans le savoir : Carpe diem est un des tatouages les plus populaires au monde, nous connaissons toustes la célèbre maxime hakuna matata, vous faites parfois attention à votre karma, vous aimez les dilemmes moraux dans certains films et séries, sans le savoir vous empruntez des termes du domaine philosophique en permanence. Pourtant la discipline reste invisible, trop académique et nimbée de mystère. La philosophie est vue comme une matière intellectuelle pour ceux qui aiment se mettre en avant, avec obligation de se noyer dans les bouquins, mention boring, mais personne ne la perçoit comme une discipline thérapeutique. J’enlève un instant ma casquette philosophesse pour mon autre casquette, celle de soignante, mon premier métier, et vous donner le conseil suivant :
Avant de courir pour une séance
de psychothérapie, essayez
d’abord la philothérapie.Nous vivons dans une époque marquée par l’anxiété, la frénésie technologique, les défis liés à des crises comme le COVID-19, et une accélération du temps. Comment ne pas se sentir submergé ? La technologie progresse et nous ouvre des horizons, tandis qu’a contrario nous perdons le contact avec le monde qui nous entoure. Nous cherchons désespérément des réponses et des solutions rapides à tous nos maux : internet est une mer infinie de connaissances accessibles à la demande et les antidépresseurs n’ont jamais autant eu la cote. Pourquoi subissons-nous les épreuves sans réfléchir, alors que la philosophie pourrait nous offrir un réconfort précieux ? Après tout, vous n’êtes pas votre pire ennemi, vous êtes votre meilleur allié, alors puisez dans votre propre réflexion pour apprendre à mieux appréhender votre vie, vos choix et vos situations. Il y a 2 400 ans, une bande de copains connus sous le nom de Stoïciens essayaient déjà de nous enseigner que pour atteindre le bonheur et la tranquillité, il suffisait de distinguer ce que je peux contrôler de ce qui échappe à mon contrôle. Cela permet de mieux concentrer son énergie sur ce qui dépend de moi, et accepter le cours des événements sur lequel je ne peux pas agir. En gros, choisissez vos batailles pour éviter de souffrir inutilement. Si vous pensez que votre psychologue aurait pu livrer ce genre de conseil, souvenez-vous que les Stoïciens sont des philosophes : vous auriez pu lire ce conseil et économiser 60 € de consultation. Bien entendu, je ne cherche pas ici à discréditer l’importance de la psychothérapie qui reste absolument cruciale pour accompagner de nombreuses pathologies, je souhaite simplement souligner pour les personnes n’ayant pas les moyens de suivre une prise en soins, que la réponse est déjà en vous, à portée de main, ou plutôt à portée de pensée philosophique. La réponse à vos maux a déjà été étudiée par les philosophes il y a des milliers d’années. Malheureusement, l’enseignement de la philosophie demeure réservé à une élite intellectuelle, excluant la majorité d’entre nous de ses bienfaits. Pourtant, comme l’a si bien exprimé Victor Hugo, « La rue est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société ». Cette citation résonne profondément en moi, car elle souligne le rôle essentiel de l’espace public comme un lieu de connexion direct entre les individus et les réalités sociales. La rue, en tant qu’espace où se rencontrent les individus, est le seul lieu représentant la réalité brute de la vie.
RUE = RÉALITÉ
Il est grand temps de mettre un terme à l’idée que la philosophie se résume à l’académisme d’auteurs comme Platon, Socrate et Descartes.
Ces figures emblématiques ne représentent qu’une portion restreinte de l’humanité : des hommes non racisés, issus d’un milieu privilégié. Les philosophes tels qu’on les enseigne ne représentent ni le spectre humain, ni la réalité sociale dans laquelle nous vivons, alors comment peuvent-ils
donner des outils parlant à toustes pour philosopher ?
La philosophie s’enrichit profondément de l’imaginaire, en ce sens que, tout comme le cinéma, l’art ou la littérature, plus un personnage imaginaire nous renvoie à notre propre image, plus nous sommes capables de nous identifier à lui. En excluant la diversité au sein de la philosophie, on risque d’écarter un large public qui demeure indifférent à cette discipline au sein de laquelle il peine à se sentir représenté.
C’est pourquoi je vous propose un manuel de philosophie inclusive avec des explications, mais également des solutions à ces problématiques. Ensemble, nous allons explorer la philosophie née du quotidien et de l’expérience collective, au cours de l’histoire et à travers les continents. L’objectif est de dépasser l’idée préconçue que la philosophie se trouve uniquement dans les livres poussiéreux des bibliothèques et les salles de classe élitistes. Au contraire, elle est omniprésente, ancrée dans les moments simples de notre vie quotidienne, accessible et prête à être découverte. La philosophie occidentale a été inventée par des hommes, pour des hommes. Son histoire s’est écrite comme une métaphysique de l’Un, et ce Un est masculin. Il faudra donc voyager au-delà des frontières occidentales et des cours de philosophie de terminale pour comprendre que la philosophie peut toustes nous représenter, et qu’elle n’est pas un savoir caché : il suffit de la saisir. Tout au long du livre, j’alternerai les différents termes pour désigner les penseuses : « femme philosophe », « philosophe » et « philosophesse », pour laisser à chacun·e la liberté de choisir le terme qu’il souhaite s’approprier. Je ne revendique pas la féminisation absolue des noms de métiers, je revendique ici la liberté de pouvoir utiliser un féminin si on le souhaite, de la même manière qu’on utilise le terme autrice comme féminin de auteur. Peu importe la dénomination, l’important est de sortir ces femmes de l’ombre – et avec elles la cohorte de minorités exclues par le modèle patriarcal en vigueur – en espérant que ces réflexions vous donneront des outils pour mieux philosopher et appréhender votre vie.
- Essai
- 18 € | 144 pages
- parution le 17 avril 2025
- ISBN 978-2-4876-0041-6
- Amour, extérieur nuit
- Après la brume
- Biographie sentimentale de l'huître
- Boa
- Carnet de phares
- Corregidora
- Demi-volée
- Erreur de jugement
- Guérisseuses
- Histoires passagères
- Je suis une île
- L'Enfant rivière
- L'étreinte des ombres
- L'Oiseau rare
- L’Octopus et moi
- La couvée
- La Dent dure
- La Ligne de couleur
- La Puissance cachée des plantes
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- Le délicieux professeur V.
- Le Patriarcat des objets
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- Mer agitée
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